Traumatisme et résilience

Nous vivons une période historique, une situation qui pour la majorité d’entre nous était, il y a quelques mois encore, IMPENSABLE. Retenez bien ce terme car vous allez comprendre pourquoi il est si important et comment en prenant connaissance des informations qui vont suivre vous allez éviter de souffrir dans les jours, les semaines, les mois à venir de ce que l’on nomme en psychologie : « le syndrome de stress post-traumatique».

Nous allons commencer par différencier deux choses : 

Les épreuves et les traumatismes.

Les épreuves sont des événements difficiles que l’on n’a pas choisis. Elles jalonnent nos vies et testent notre capacité, à se relever, à s’adapter et à changer. Bien que très douloureuses, elles sont des faits marquants auxquels nous pouvons ou devons nous attendre : 

  • Echouer à un examen. 
  • Essuyer une rupture sentimentale. 
  • Perdre un être cher. 
  • Subir des empêchements ou des complications dans ses projets …

Les traumatismes sont des « épreuves » qui sont du domaine de l’IMPENSABLE : 

  • Tomber subitement malade, devoir lutter pour survivre et changer radicalement de vie. 
  • Perdre un être cher de manière brutale et soudaine. 
  • Etre dans une salle de concert et assister soudain à une tuerie. 
  • Etre abusé sexuellement par un membre de sa famille ou une personne en qui nous avions toute confiance …

Etre face à l’impensable, telle est la définition d’un traumatisme ! Mais puisque nous sommes tous différents, une nuance s’impose à ce stade. En effet, une épreuve pour l’un peut être un traumatisme pour l’autre et vice versa. Cette précision est essentielle pour nous permettre d’être bienveillants et tolérants vis à vis d’autrui et ne pas juger ceux qui souffriront plus que d’autres car même si la situation actuelle nous semble en apparence moins violente que les exemples cités plus haut, pour beaucoup d’entre nous, cela nous propulse dans l’impensable : 

  • Rester enfermé chez soi en confinement (le terme anglais « lockdown » est encore plus brutal). 
  • Perdre sa liberté de mouvement (et parfois la seule possibilité d’échapper même quelques heures à un foyer dangereux et toxique). 
  • Perdre son emploi ou son entreprise, ses revenus, sa capacité à faire vivre sa famille.
  • Perdre un proche sans pouvoir se rendre à son chevet et lui offrir des funérailles décentes.
  • Laisser ses « anciens » dépérir seuls dans les EPAHD.

Les conséquences d’un traumatisme :

Suite à un traumatisme, l’activité et le développement des cortex pré-frontaux (cognition / réflexion / expression) et du système lymbique (mémoire) sont à l’arrêt. Notre cerveau ne fonctionne plus « normalement » quant à la pensée, la raison, les apprentissages. Comme nous le dit le plus grand spécialiste français du traumatisme et de la résilience, le neuro-psychiatre et auteur Boris Cyrulnik : « Le traumatisme entraîne une agonie psychique et la résilience, c’est donc la capacité à reprendre un développement psychique et biologique normal après cette agonie psychique.» (A ce sujet, je vous conseille vivement ses ouvrages tels qu’Un Merveilleux malheur ou Les Vilains petits canards, aux éditions Odile Jacob) 

Les autres symptômes sont les cauchemars à répétition ou les attaques de panique comme si l’impensable pouvait à nouveau surgir à tout moment ! 

L’état de stress post-traumatique peut durer des semaines, des mois ou des années sans un soutien psychologique. 

Comment guérir ?

Deux facteurs de « protection » pré-traumatiques existent déjà : 

  • L’attachement sécure (2 pers. / 3 l’ont acquis) est issu d’une éducation et d’un foyer où parents ou éducateurs et l’environnement sont suffisamment bons. L’enfant, par exemple, comprend que « ceux que j’aime peuvent partir car j’ai compris qu’ils vont revenir ». C’est un attachement relationnel sain.
  • La « mentalisation » est la capacité à se servir de représentations d’images et de mots, l’aptitude à penser, à se souvenir, à replacer ou raconter dans un contexte un événement ou une histoire. Un enfant pré-verbal peut déjà « mentaliser » en dessinant par exemple.

Même si l’isolement sensoriel provoque une atrophie cérébrale au même titre que la honte, la culpabilité et la peur, l’isolement affectif est le plus grand frein à la résilience. Comment s’exprimer, ou mentaliser, comment donner sens à ce qui nous est arrivé si on est seul, si personne ne peut nous entendre pour accueillir notre parole, ou encore si l’on s’en empêche soi-même ? 

Pour s’en sortir il est donc impératif : 

  • D’être soutenu émotionnellement et psychologiquement.
  • De pouvoir donner un sens à ce qui nous est arrivé.

Ce deuxième point est le plus complexe car il faut parfois beaucoup de temps et de recul sur l’événement pour pouvoir en tirer une forme de bénéfice. Nos expériences désagréables – si on veut bien accepter de le voir ainsi – sont utiles à notre développement personnel et nous donne l’opportunité d’atteindre le meilleur de nous-même. Boris Cyrulnik, par exemple, à l’âge de 6 ans a perdu ses parents déportés en camp de concentration. Cette expérience personnelle traumatisante l’a poussé à devenir psychiatre afin d’apporter son aide à des personnes qui comme lui ont subi des traumatismes. C’est ce qu’on appelle un mécanisme de sublimation de l’horreur. Sans pour autant avoir un parcours aussi exceptionnel, chacun peut à son niveau trouver un « sens » à son existence malgré un parcours initiatique traumatique, apprendre à se voir comme le héros ou l’héroïne de sa propre vie et non comme une victime du sort.

Suite à un traumatisme, voici quelques règles de bon sens : 

  • Passez momentanément en mode « survie ». La pensée à long terme doit être « suspendue ». La pensée à court terme prioritaire afin de se concentrer sur les étapes les plus urgentes pour « survivre ».
  • Revenez aux fondamentaux « ici et maintenant » lorsque vous êtes envahi par les émotions négatives et dites-vous : « Où suis-je ? Que suis-je entrain de faire ? Avec qui ? etc… »
  • Travaillez l’acceptation pour avancer. Accepter n’est pas valider car tout ce à quoi on résiste, se renforce. (Je vous recommande à ce sujet, l’article complet sur l’acceptation ici)
  • Pardonnez ou du moins ayez-en l’intention en comprenant les bénéfices de libération que vous pourriez en retirer. (là encore, je vous recommande l’article complet sur le pardon ici)
  • Pratiquez la gratitude pour garder votre énergie et continuez de voir ce qui va bien plutôt que de vous laisser envahir par ce qui ne va pas.
  • Cultivez et développez votre spiritualité quelle qu’elle soit. C’est une source de soutien, d’espoir et de réconfort.

Souvenez-vous que ce que nous vivons était impensable il y a quelques mois et que beaucoup sont déjà ou seront impactés plus ou moins lourdement. Si vous vous sentez bien, soutenez vos proches (et moins proches), ceux qui sont plus vulnérables ou qui ont été plus durement touchés par ce confinement. 

Pour gérer au mieux cette période, je vous invite à poursuivre avec une visualisation qui va vous permettre d’activer le processus de résilience chez vous quel que soit votre degré de souffrance par rapport à l’événement, qui va vous autoriser à vous réinventer pour ne pas recommencer exactement la même vie qu’avant. N’est-ce pas la définition de « la folie [que] de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ? » aurait dit Albert Einstein.

Soyons proactifs et résilients. Sortons meilleurs de cette période, individuellement et collectivement ! 

Laetitia Santarelli