Naviguer en pleine tempête partie I

« Les crises, les bouleversements, la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. »

Carl Gustav Jung 

Voilà une proposition qui nous offre la possibilité d’envisager le chaos sous un angle constructif comme une alternative excitante et résiliente à la victimisation. 

Pensez à une situation actuelle qui vous fait souffrir, vous déstabilise, vous blesse, vous effraie, vous pousse en dehors de votre zone de confort…à une situation que vous pourriez comparer à une tempête. Puis, imaginez que vous soyez à la barre d’un navire en pleine tourmente. Comme toutes tempêtes et même toutes choses, elle ne durera pas éternellement mais vous ne savez pas précisément combien de temps non plus. En fait, c’est la manière dont vous allez la traverser qui déterminera votre état à l’arrivée selon la destination que vous aurez choisie au départ. Avez-vous dans ce cas (re)défini un cap ? Et si oui comment et sur quels critères ?

Voici quelques conseils de bon sens, en pleine tempête, pour vous ré-inventer, pour profiter du chaos et créer une nouvelle structure qui aura plus de sens pour vous, voire pour nous tous :

  1. Soyez présent ! 

Ce concept de présence est essentiel. Pour beaucoup, à partir du moment où on est là, on est présent… Or, il n’y a rien de plus inexact. Combien de fois, avez-vous répondu présent à l’appel en classe alors que vous n’étiez pas prêt mentalement à apprendre et à participer activement à cet apprentissage ? Combien de fois, étiez-vous présent lors d’un dîner mais absent mentalement, incapable d’entretenir une simple discussion avec une autre personne ? Combien de parents sont là physiquement, bien visibles par leurs enfants mais absents de leur rôle de père ou de mère ? De nos jours, être présent demande une vraie intention pour un apprentissage authentique d’autant plus que le « multi-tâches » a envahi notre vie, écartelant sans cesse notre attention comme le montre l’utilisation des écrans qui a affaibli notre capacité à nous concentrer, à apprendre, à écouter pleinement.

Une véritable présence pourrait commencer par nous concentrer sur une chose à la fois en dînant sans écran (même de télévision), en désactivant les notifications sur notre téléphone portable pour choisir le moment où nous regarderons nos emails, nos messages ou les réseaux sociaux… Soyons vigilant à la dispersion de l’attention trop coûteuse en énergie et générant une fatigue mentale usante. Le nombre de burn-out a augmenté dramatiquement durant ces dernières années à cause justement de ce manque de « déconnexion » du travail, des sollicitions externes et un manque de connexion à soi-même.

Etre présent, ce n’est pas non seulement être conscient, c’est être conscient d’être conscient !

Être présent, c’est consentir à ce que rien d’autre n’existe à part cet instant et c’est accepter de l’habiter complètement. Le passé a filé, le futur n’est qu’une illusion et le présent est le seul moment où nous pouvons disposer de toutes nos ressources, de toute notre énergie, de tout notre pouvoir, où nous pouvons sentir s’il est judicieux d’agir ou non.

Faisons ensemble une expérience : 

  •  Imaginez une ligne lumineuse infinie qui passerait tout droit au travers de votre corps physique en entrant par un point entre vos deux sourcils pour ressortir tout droit, en face à l’arrière de la tête.
  • Imaginez une seconde ligne s’étirant elle aussi à l’infini à droite et à gauche de votre tête, qui passerait par la pointe de vos deux oreilles. 
  • Trouvez ou sentez ce point d’intersection, au centre de votre cerveau. Visualisez un instant cet emplacement.
  • Imaginez à présent à la place de ce point un magnifique fauteuil, très confortable, lui même au centre d’un immense et très sophistiqué centre de pilotage.
  • Visualisez face à ce fauteuil deux larges ouvertures vitrées permettant de voir à l’extérieur avec une vue dégagée à 180°.
  • Songez maintenant que c’est la place de votre conscience. C’est là où elle doit être comme un capitaine doit être à la barre de son navire. Vous aussi vous vous devez d’être aux commandes de votre véhicule, de votre corps physique, émotionnel, mental et énergétique. 
  • Gardez cette image mentale de vous ainsi confortablement installé. Dans un instant, vous fermerez vos yeux et renforcerez cette vision. Puis vous aurez la ferme intention de rester là au centre de votre cerveau, derrière vos yeux avant de les rouvrir.
  •  Ouvrez vos yeux lentement, en pleine conscience et sentez la différence. Voyez comme l’environnement tout autour de vous reste le même mais comme vous pouvez avoir plus de recul, une plus grande capacité d’observation et un nouveau point de vue sur celui-ci. Ressasser le passé revient à piloter depuis le siège arrière d’une voiture ! Craindre le futur revient à conduire vers une destination que l’on redoute ! Alors en bon navigateur ayez un cap, soyez présent et surtout soyez prêt à le modifier, à l’adapter en fonction de la météo ! 

« Il n’est pas de vent favorable à celui qui ne sait où il va »

Sénèque.

Etre présent dans sa propre tempête, c’est aussi assumer et ne pas chercher à fuir l’inconfort. Nous possédons tous des mécanismes de défenses psychiques, fort utiles dans l’enfance afin de nous permettre d’avancer durant cette période de vulnérabilité et de construction. (Ce thème est développé dans l’article ” l’acceptation ou la non résistance “ ) Mais à l’âge adulte nous gagnons à prendre en charge toutes les situations dans lesquelles nous sommes, à traverser les périodes difficiles, à développer notre confiance.

Etre adulte c’est développer sa capacité de « s’asseoir avec ce qui est ». 

Cependant, grâce à la pleine conscience, vous pouvez accueillir l’émotion et à la fois vous en dissocier. Vous pouvez reconnaître ce que vous ressentez en admettant que vous n’êtres pas ce que vous ressentez. Lorsque vous vous trouvez sous un soleil de plomb à midi, vous éprouvez de désagréables sensations physiques : une difficulté à respirer, la peau qui brûle, la transpiration qui ruisselle… Vous les ressentez mais vous n’êtes pas les sensations, ni la source qui les génère. Quelques minutes plus tard, sous un parasol, avec une boisson fraîche et une légère brise, ce sont d’autres sensations qui vous envahissent et vous n’êtes toujours pas ce que vous ressentez. Vous êtes un contenant plus vaste qui peut accueillir toutes sortes de ressentis physiques, émotionnels et psychiques mais vous ne pouvez pas vous identifier à eux. Tout comme une demeure peut contenir des meubles, elle ne devient pas les meubles et les meubles peuvent changer encore et encore selon les saisons sans altérer la forme de la demeure. L’observation de nos émotions et de nos pensées est très utile. Elle nous permet de ressentir sans réserve et de ne pas fuir la tristesse, la douleur, ou la colère. Ainsi pouvons-nous les accueillir comme quelque chose d’extérieur mais qui nous délivre un message, qui peut nous aider à comprendre, à sentir ce qui ne va pas. Lorsqu’une émotion a pu livrer son message et que celui-ci est entendu, compris par la conscience, elle faiblit en intensité pour disparaître permettant à l’individu de voir plus clair en lui. Nous pouvons faire alors les bons choix, rectifier notre trajectoire et envisager l’exploration des nouvelles orientations. N’oublions pas qu’étymologiquement le mot « crise » vient du grec « crisis » et suggère la nécessité de discerner et de faire un choix. 

Pour soutenir l’inconfort, il peut être utile de renoncer au besoin de classifier les événements en bien ou en mal. La neutralité aide parfois à y voir plus clair. Si l’on considère un fait sans présupposé moral, cela permet de se focaliser davantage sur notre ressenti et sur le pouvoir que nous donnons à ce fait de générer telle ou telle chose en nous. Cela nous donne le choix sur la manière dont nous préférons gérer la situation et en modifier l’impact. Qu’allons-nous en faire ? Comment évoluer avec cet épisode, comment devenir plus sage, plus juste, plus fort, plus tolérant… 

Etre présent et s’apaiser passent par notre respiration omniprésente. En avoir conscience, la connaître, la sentir et l’utiliser pour revenir à soi et se relaxer est fondamental. Respirer est un art comme nous l’enseigne le « pranayama », cette branche du yoga entièrement dédiée au souffle. Certains aimeront expérimenter ses bienfaits en se rapprochant d’un instructeur de yoga mais vous pouvez aussi débuter par la technique de respiration appelée la méthode de cohérence cardiaque. Elle est simple et accessible à tous, à tout moment. Elle se résume par le «365» : 3 fois par jour, 6 respirations par minute, pendant 5 minutes. Il suffit d’inspirer sur 5 secondes et d’expirer sur 5 secondes également, en comptant lentement jusqu’à 5. Elle peut se pratiquer assis ou debout, mais pas couché. En pratiquant cette respiration, tentez de rester conscient de ce que vous faites et les yeux fermés, imaginez que l’eau d’un lac qui avait été troublée par un remous, s’éclaircit progressivement jusqu’à devenir limpide et transparente puis associez cette image à votre propre mental, afin qu’il retrouve lui aussi plus de clarté.

Enfin, comme nous le conseille Frédéric Lenoir dans Vivre ! Dans un monde imprévisible, chez Fayard, pratiquer 10 à 20 minutes par jour, la méditation de pleine conscience favorise la réduction du stress et de l’anxiété, la paix intérieure, le calme émotionnel, la concentration, la prise de distance et le détachement. C’est la raison pour laquelle, sous l’impulsion d’un médecin américain Jon Kabat-Zinn, des milliers d’études scientifiques ont été menées et ont permis depuis plusieurs années que cette pratique simple et accessible à tous soit introduite dans les hôpitaux, les prisons, ainsi que dans le traitement du stress post-traumatique, syndrome qui nous touche tous aujourd’hui suite à la situation encore impensable il y a moins d’un an. (Lire ici l’article « traumatisme et résilience »). Si vous souhaitez vous initier à la méditation de pleine conscience, voici un module d’une heure pour en apprendre les bases et renforcer ce que Marc Aurèle, empereur, philosophe stoïcien du 1er siècle après J.C. appelle « La citadelle intérieure ».

2 – Alléger votre embarcation et supprimer les fuites ! 

Dans la représentation pyramidale de la hiérarchie des besoins de Maslow, notre sécurité est primordiale encore plus en pleine tempête. Être encombré, sollicité inutilement, alourdi par des contenus futiles voire toxiques est périlleux. Cela draine hors de nous notre énergie et multiplie le risque de naufrage. Qui embarquerait dans un bateau lourd qui prend l’eau ? Simplifiez donc votre vie et éliminer les fuites d’énergie. Accepter de renoncer à tout ce qui est faux en vous et qui génère les « cancers du mental » : 

  • Comparer 
  • Se plaindre
  • Se victimiser
  • Résister à ce que vous ne pouvez pas changer 
  • Critiquer
  • Juger
  • Colporter des ragots
  • La jalousie et l’envie
  • La haine
  • La négativité
  • L’intolérance
  • Les doutes
  • La confusion
  • l’excès de désirs 
  • L’addiction aux drames ou à tout autre forme d’addiction
  • La peur du manque
  • L’impatience
  • Les peurs stériles.

Deux des plus grandes peurs étant la peur d’être abandonné et celle d’être pris au piège, reconnaissez qu’elles sont caduques dès lors que vous renforcez votre « citadelle intérieure » car nul ne pourra, ni vous y piéger, ni vous en exclure. Vous êtes en possession déjà de tout ce dont vous avez besoin humainement pour faire face à l’impermanence de la vie.

Pour faire disparaître la plupart de ces contenus faux et énergivores listés plus haut, il suffit souvent juste de les regarder, de les pointer en nous, d’avoir l’intention de s’en débarrasser pour qu’ils s’évanouissent comme il suffit d’allumer une lumière dans une pièce pour éclipser les ténèbres qui y régnait ou de dire à l’autre « vu » en le pointant du doigt pour mettre fin au jeu de cache-cache. Certaines peurs en revanche devront être analysées afin d’en extraire la racine et pas seulement en couper la branche. 

A chaque fois que vous ressentez de la peur, accueillez-la puis demandez-vous : « De quoi ai-je réellement peur ? » ou « Quelle est la peur qui se cache derrière cette peur ? » Creusez, allez en profondeur pour la comprendre, la déraciner, la neutraliser ou l’apprivoiser. C’est souvent lorsque nous travaillons sur nos peurs que nous avons besoin d’une aide extérieure. Cependant, vous pouvez utiliser ce petit outil pour l’évaluer et la relativiser.

  • Quelle est votre peur la plus insoutenable ?
  • Donnez-lui la note de 10
  • Revenez à ce qui vous fait peur actuellement et donnez lui aussi une note.
  • Ressentez-vous le soulagement qui va vous permettre de relativiser ?

N’ayez jamais peur ! La peur n’empêche pas la mort, elle empêche la vie.

Tant que vous craindrez la mort, vous ne serez pas vivants !

Naguib Mahfouz

La peur de perdre la santé, la vie, nos proches, de l’argent, la nourriture, l’air , l’eau… provient du fait que nous considérons pour acquis des « choses » qui sont extérieures à nous-même. Nous voulons les posséder pour toujours. Peut-être est-il sage de se dire que tout ce qui est interne en nous et qui ne dépend que de nous est durable, éternel alors que tout ce qui est externe, à l’extérieur de nous, et qui ne relève pas exclusivement de nous est par définition temporaire sans besoin de savoir qu’elle en est la durée. Comme nous le conseille Jay Shetty dans son livre Penser comme un moine, considérez ces « choses » comme étant en location en prenant bien soin de les entretenir, d’en profiter avec respect et accepter que cela puisse cesser sans préavis ou bien durer toute la vie. Ainsi chaque jour supplémentaire est un présent, une bénédiction, et peut vous permettre de générer de la gratitude pour toutes ces choses que vous prenez pour acquises ou dues mais qui ne le sont pas.

Eprouver de la gratitude au quotidien permet d’être plus heureux, de faire augmenter votre force vitale, votre taux vibratoire et ceci introduit le troisième point : 

3 – Renforcer votre « Chi » 

Entendez par là votre énergie, vos ressources physiques à gérer là aussi avec bon sens. Comme pour toutes choses, privilégiez toujours, autant que possible, la qualité sur la quantité pour votre sommeil, votre alimentation par exemple. Ayez une activité physique régulière en sortant au minimum 2 fois 30 minutes en plein air tous les jours. Entourez vous des personnes que vous appréciez, fuyez la négativité et le pessimisme. Pratiquez une activité créative, artistique. Ralentissez. Cultivez les plaisirs simples. Gardez le contact physique (câlins, accolades, baisers) avec vos proches afin de libérer de l’ocytocine. (L’exercice de visualisation en lien avec cet article contient entre autre une méthode pour renforcer votre force vitale) 

Dans la deuxième partie de cet article, le mois prochain, nous continuerons d’explorer comment naviguer en pleine tempête et aborderons les thèmes suivants : 

  • Comment se construire de bonnes protections mentales, émotionnelles et énergétiques.
  • Comment (re)-définir un nouveau cap en utilisant l’axiologie pour bien choisir son équipage et redécouvrir le sentiment de liberté.
  • Comment être enthousiaste grâce au potentiel qui réside dans l’espace en dehors de notre zone de confort.

Pour consolider, je vous invite à pratiquer le module d’accompagnement audio suivant. D’une durée de 24 minutes, vous y apprendrez à atteindre la pleine conscience, la respiration de cohérence cardiaque. Vous y apprendrez à augmenter votre force vitale pour dissoudre les « cancers du mental ». J’espère qu’il vous aidera à traverser au mieux la tempête liée au contexte général actuel ainsi que vos propres turbulences personnelles.

Laetitia Santarelli