Saint Graal pour accéder à la sérénité, le lâcher-prise est devenu le fourre-tout du développement personnel, peut-être parce qu’il est tout autant miraculeux que complexe. Tentons d’y voir plus clair et de nous en rapprocher en évoquant quelques-unes de ses formes.
Inspiré par les sages de toutes les époques et réservé pendant longtemps à une élite spirituelle, ce concept est aujourd’hui devenu plus accessible grâce à une ouverture d’esprit plus large et à l’élévation globale du niveau de conscience, du moins pour ceux qui font l’effort de le comprendre et de l’appliquer.
Une des phrases que j’entends le plus en séance de psychothérapie est : « Je ne sais pas lâcher prise ! » Mais pourquoi, comment et sur quoi devrions-nous apprendre à lâcher prise ?
« Si vous voulez une nouvelle idée, lisez un vieux livre », préconisait le poète persan, Rûmî. Alors, partons sur les traces de ces sages et tentons d’y trouver leur voie. La citation apocryphe de Marc Aurèle nous révèle l’essence même du concept :
« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé ; et le courage de changer ce qui peut l’être ; mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. »
Lâcher prise, c’est donc :
- Avoir de la lucidité sur ce qui est de notre ressort et sur ce qui ne l’est pas.
- Avoir la discipline et la rigueur pour réaliser ce qui est en notre pouvoir sans procrastiner.
- Accepter de lâcher prise sur ce qui est en dehors de notre contrôle y compris sur le résultat de ce envers quoi nous nous sommes pleinement investis.
Refuser ce dernier point, c’est courir à l’échec, l’épuisement, la sensation d’être englué dans des schémas répétitifs.
C’est une des plus grosses pertes de temps et d’énergie que de s’inquiéter pour toutes ces choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle.
De manière très claire et sans équivoque nous n’avons aucune mainmise sur :
– Les sentiments des autres
- Les pensées des autres
- Les décisions des autres
- Les perceptions des autres
- Bref sur tout ce qui concerne les autres et leur libre arbitre …
Ni
- Sur la nature, la météo
- La vie et la mort
– Tout ce qui dépend des grands mystères de la création.
Il est plus fructueux de mettre son énergie dans les choses sur lesquelles nous avons un contrôle et dans la manière dont nous pouvons gérer les challenges de notre vie : les imprévus, les traumatismes, les décisions et les actes des autres qui ont des répercussions directes sur nous.
Certaines personnes font l’erreur de ne pas lâcher prise sur des aspects de leur vie qui dépendent d’eux en « essayant trop fort », en se disant : « il FAUT que ça marche à tout prix ». Alors, ils forcent et s ‘épuisent. Au contraire, il est sage de reconnaître que dans les grands mystères de la création, il y a aussi la notion du « bon moment », du « ce n’est pas possible maintenant » ou du moins « pas sur cette voie ».
Etre attentif à ce qui est fluide, à ce qui s’aligne est toujours une validation que l’on est dans la bonne direction. Lorsque les choses « coincent » trop, trop longtemps, il y a toujours un message à comprendre qui nous dit qu’il doit exister un chemin plus facile à emprunter qui sera plus enrichissant pour nous. Alors est-il judicieux de faire une pause, de repenser le projet, de lâcher ses exigences et parfois même de repartir à zéro car on se rend compte que l’on avait l’intention de gravir une montagne pieds nus …
Souvent, l’Ego nous torture en nous comparant aux autres mais accepter de ne plus l’être est une belle preuve de lâcher prise. Il nous torture aussi en engageant le « petit mental » ou « monkey mind », « l’esprit singe», selon les boudhistes, signifiant à la fois instable, fantasque, inconstant, confus, et incontrôlable. Cet esprit croit qu’il peut tout gérer ! Mais quelle farce quand on y pense ! Comment pouvons-nous tomber dans le piège si souvent ? Lâcher prise, c’est accepter que la tête ne puisse pas tout gérer. Il est sage de mettre régulièrement le corps en action et d’accueillir ses émotions pour avoir une approche globale et trouver les bonnes solutions à nos difficultés autrement qu’en y réfléchissant uniquement.
La difficulté à lâcher prise est toujours le résultat d’un mental sur-engagé. Pour le désamorcer, il faut passer par l’émotion et l’action comme nous venons de le voir car on ne résout pas un problème avec ce qui « cause » le problème. En méditation de pleine conscience, où l’on compare souvent le mental à un singe qui s’agite, nous disons : « On ne calme pas le singe avec le singe ! »
Alors, on doit faire une pause, être créatif au sens propre du terme. C’est une nouvelle habitude à prendre, un nouveau réflexe. On ne tue pas l’ego, sinon c’est encore une manœuvre de l’ego. On l’use juste en l’observant et en cessant d’être son pantin.
Lâcher prise nous invite aussi à sortir de notre zone de confort car c’est notre besoin de sécurité (dans son pôle négatif) qui nous illusionne et nous pousse à vouloir garder le contrôle sur tout. Ce besoin nous empêche de lâcher prise sur les croyances limitantes que nous avons sur la vie, sur ce qui est possible et sur ce qui ne l’est pas, sur nous-mêmes et sur les autres.
Il faut accepter de quitter la rive et d’aller vers l’inconnu. Voyez comme dans la communication avec nos proches, nous restons trop souvent sur un terrain connu, sur des « trames » vues et revues et parfois même usées jusqu’à la corde car nous avons peur de ne pas gérer ce que l’autre va dire ou ressentir. Nous avons peur de la nouveauté quand bien même nous prétendons la souhaiter. C’est particulièrement vrai dans la communication au sein des couples. Souvent, ils veulent évoluer et améliorer leurs échanges mais n’osent pas s’aventurer dans l’inexploré de peur de perdre la zone de « confort-inconfortable » mais connue donc sécurisante.
Ne pas vouloir lâcher prise sur le fait d’avoir raison ou non quand bien même vous avez raison est une autre grande erreur de communication. « Est-ce que je veux avoir raison (ou plutôt que l’autre reconnaisse que j’ai raison) pour satisfaire mon ego ou est-ce que je préfère trouver une solution, un terrain d’entente avec l’autre ? Car lâcher prise c’est avoir la curiosité et le courage de penser différemment, d’agir autrement, d’écouter autrui et surtout de suivre sa « petite voix » qui sait toujours ce qui est le meilleur pour nous. C’est le fameux « écoute ton cœur » qui peut paraître désuet mais qui sait toutes choses. Pour écouter son cœur, il faut faire taire la tête qui pense et doute. Observez les gens, surtout ceux qui s’expriment avec les mains. Lorsqu’ils parlent et qu’ils disent « Je sais que… », ils pointent toujours une ou deux mains vers le cœur. Pour écouter cette petite voix, il suffit de lui offrir un espace, ou plutôt d’aller dans cet espace du cœur. La méditation est idéale pour cela. Avant de débuter, prenez l’habitude de vous demander comment vous vous sentez, puis laissez la réponse de côté et recommencez en vous demandant comment vous vous SENTEZ réellement pas comment votre tête pense que vous vous sentez ! C’est une différence essentielle.
Durant la méditation de pleine conscience notamment, nous travaillons à être dans le moment présent en reconnaissant ce qui EST et ce qui N’EST PAS, en lâchant prise sur le passé qui est passé et devenu de ce fait immuable et inaccessible et en lâchant prise sur le futur qui n’existe pas encore.
Cela nous permet de lâcher prise sur les peurs, les regrets, les rancœurs (qui vivent dans la passé) et sur les inquiétudes, les doutes et les espoirs (qui vivent dans le futur). De cette manière c’est comme si vous fermiez un robinet d’énergie qui alimente le passé (visualisez-le dans votre dos) et un autre qui alimente le futur (visualisez l’avant de votre corps, le nombril). Toute votre énergie est donc disponible dans le moment présent vous permettant ainsi de prendre les meilleures décisions possibles.
Lâcher prise demande au préalable d’avoir appris à se sécuriser le plus possible par soi-même en reconnaissant ses ressources, ses capacités, le soutien dont nous disposons d’un point de vue pragmatique mais aussi en développant une notion de confiance qui va au-delà de nous-même, une confiance en accord avec notre philosophie de vie, avec notre système de valeur, avec nos croyances. De ce fait, quoi qu’il arrive nous sommes alignés, en évolution, sur notre voie. Que l’on y croise la félicité ou « les malédictions » envoyées par les fées du prunellier dans la mythologie celtique comme épreuves initiatiques dont nous avons besoin pour évoluer, nous admettons être sur notre chemin.
Il est primordial de ne pas confondre le lâcher-prise avec l’indifférence ou le désintérêt. Souvenez-vous qu’il est issu du fruit de la sagesse qui nous a permis de distinguer ce qui est en notre pouvoir et ce qui ne l’est pas ni dans le présent, le passé ou le futur, même si l’ego et son orgueil tenteront toujours de vous brouiller l’esprit à ce sujet et de vous torturer. Cela requiert donc : Implication, responsabilité et détachement. Autrement dit, lâcher prise, c’est comment être connecté à tout et attaché à rien …
Si vous craignez d’être moqué par cet acte libérateur, de fainéant, de lâche, de stupide, ou de fou… qu’importe…, travaillez avec la sagesse de Buddha qui dit : « Le vent n’ébranle pas la montagne. Ni la louange, ni le blâme n’atteignent le sage » Puis, Lâcher prise sur l’image que vous souhaitez que les autres aient de vous et concentrez-vous sur la personne que vous voulez être, que vous sentez que vous êtes profondément. Il faut de la neutralité pour aller au-delà du jugement et pour comprendre l’autre tel qu’il est. Tout le monde n’en est pas (encore) capable. Acceptez cela.
Lâcher prise peut être particulièrement difficile pour les perfectionnistes qui ont l’impression d’abandonner, d’échouer ou de ne pas faire assez d’efforts pour réussir. Pourtant ce n’est pas s’assoir dans son fauteuil et ne rien faire en espérant que les choses se fassent toutes seules. C’est faire de son mieux puis lâcher prise sur le résultat dès lors que des données extérieures sont impliquées dans votre équation. Cela aide aussi à ne pas prendre les choses trop au sérieux ou contre soi. Parfois, les choses ne « marchent » juste pas.
Lâcher prise sur ce que l’on ne contrôle pas est un acte de pouvoir extrêmement puissant.
Pour conclure « Lâcher prise » c’est trouver l’équilibre entre une discipline personnelle impeccable et une confiance dans le fait qu’il existe une ligne en or dans chacune des situations et que sans forcement savoir où elle se situe on sera toujours dessus, indépendamment de ce que nous avions planifié initialement.Lâcher prise, c’est reprendre le pouvoir sur notre capacité à gérer n’importe quelle situation et pas seulement celle que nous avions prévue ou souhaitée.
Prenez soin de vous et les uns des autres,
Laetitia Santarelli
Apprendre à lâcher-prise
Suivez-moi dans une visualisation active de 26 minutes sur le lâcher-prise qui vous permettra de sentir cette sensation particulière en allant au-delà du concept mental.