“Savoir poser des limites”

Dans la continuité de notre inventaire sur les différentes manières de retrouver l’équilibre et de développer notre capacité adulte à « naviguer sur la voie du milieu », celle de la justesse, voici le thème des limites qui je l’espère vous inspirera. (L’article « équilibrer le féminin et le masculin » est par ailleurs complémentaire à celui-ci). Beaucoup de personnes ont du mal avec celles-ci, certaines ont du mal à les accepter, d’autres à les poser. Lorsqu’elles sont mal établies, cela crée automatiquement des sources de souffrance comme : 

  • La confusion
  • L’insécurité
  • La frustration 
  • L’injustice
  • L’incompréhension 
  • L’oppression

Définissons ce que sont ces limites et réfléchissons à la raison de leur importance.

Parler de limites, revient à parler de contenants, de structures, de cadres. Toute chose a un contour, une forme, un délinéament tant sur un plan physique et concret (votre corps, votre maison, votre voiture, vos différentes boîtes de rangement dans votre cuisine…) que sur un plan plus subtil et abstrait (la temporalité, votre contrat de travail, votre relation amoureuse, les règles du sport que vous pratiquez…). Bref, tout possède un contour qui donne un cadre. 

L’exemple du sport est significatif car sans limites, il n’y a pas de jeu viable. Les règles créent une structure, une carte grâce à laquelle nous pouvons expérimenter le jeu, ses objectifs, son début et sa fin tout comme les limites donnent un sens à notre vie, à nos différents espaces. Elles sont si importantes que leur violation peut engendrer des accidents, des homicides voire de graves conflits.

Commencez-vous à sentir l’importance des limites ?

A un niveau individuel, idéalement, nous devrions respecter leur grande diversité car nous sommes tous différents et n’avons ni besoin ni envie des mêmes limites. Très concrètement, on voit bien qu’il est impossible de vêtir tous les humains avec une « taille unique » et c’est pourtant ce que nous tentons de faire depuis des décennies dans l’éducation nationale par exemple. Vouloir appliquer le même cadre pour tous génère des souffrances et des insatisfactions aux conséquences parfois graves. 

Il nous faut donc apprendre à naviguer dans cet univers rempli de cadres, entre ceux qui nous sont imposés et ceux qui relèvent de notre responsabilité. Pour ces derniers, leur établissement ne dépend que de nous mais encore, faut-il savoir, pour les instaurer sainement, qui nous sommes et de quoi nous avons besoin ou envie. Nous devons aussi nous libérer de la culpabilité et de la peur que cela peut générer en admettant que cela ne conviendra pas à tous.

L’activité est toujours intense autour des frontières, au sens propre comme au sens figuré, et cela nous indique bien que ce sont des lieux de « pouvoir ». Les exemples sont éloquents quant aux frontières géographiques mais ils ne le sont pas moins quand on pense à toutes ces personnes dominantes et agressives qui testent toujours nos limites en tentant de les violer. Lutter contre l’invasion, savoir se protéger devient alors primordial.

Les enfants agissent ainsi à certaines périodes de leur développement psycho-émotionnel. Il est alors nécessaire d’avoir une réponse juste en posant des frontières ni trop faibles, ni trop rigides pour leur permettre d’établir sainement les leurs. Les parents trop autoritaires créeront majoritairement des enfants têtus et rebelles voire soumis et dévalorisés ; Les parents trop laxistes, des enfants-rois qui devront apprendre la dure réalité des cadres en se heurtant violemment aux autres mais aussi en cherchant constamment des limites au travers de comportements déviants comme la délinquance, l’usage des drogues et les conduites à risque quelles qu’elles soient.

D’une manière générale, il n’est pas aisé de poser de bons cadres car il faut admettre qu’ils sont changeants mais que ce changement est nécessaire pour évoluer dans le temps et les situations. Les personnes saines savent établir des frontières saines mais certaines personnes dysfonctionnent à ce sujet car elles ne savent pas ce dont elles ont besoin et ont peur de fixer des limites par manque de confiance en elles ou par peur d’être rejetées. D’autres encore posent des limites trop étroites par crainte de perdre l’autre ou d’être abandonnées. Dans les deux cas, les peurs auront raison d’elles et leur apporteront précisément la situation qu’elles redoutaient le plus. C’est ce que font nos peurs quand nous leur laissons les commandes de notre vie.

Listons les sources de déséquilibres possibles qui empêchent de poser des limites saines : 

  • La peur d’être rejeté ou abandonné.
  • La peur d’être pris au piège.
  • La culpabilité. 
  • La peur de l’autorité et/ou d’être autoritaire. 
  • La peur d’être abusé.
  • La peur de ne pas être légitime.
  • La peur de dire NON.
  • La peur du conflit.
  • Les mécanismes d’autodestruction, d’auto-sabotage.
  • La victimisation.
  • L’avarice.
  • L’auto-dévalorisation.
  • L’impatience.
  • L’arrogance.
  • L’obstination.
  • Les schémas hérités de l’éducation. 

Comme vous le constatez, les sources de déséquilibre sont nombreuses et diverses. Voici une méthode pour faire l’inventaire des différents domaines où vous pouvez évaluer l’état de vos limites.

Dressez une liste des différents « contenants » de votre vie : Votre travail, vos principales relations (parents, conjoint, enfants, amis, employeur, employés…), vos activités, vos engagements, votre communauté, des associations auxquelles vous adhérez, votre propre corps, vos systèmes de croyance, de valeurs …

Placez-les en colonne, puis à coté, mettez un symbole qui indique s’ils sont devenus trop serrés, exigus ou rigides (un point par exemple). Pour ceux qui sont trop lâches, désordonnés où qui se perdent facilement, mettez une ligne en pointillés ou une vague. Bref, optez pour un symbole qui vous soit confortable. Vous pouvez aussi en ajouter un de votre choix pour les domaines qui d’ores et déjà vous paraissent sains.

Les choses changent souvent et il vaut mieux être proactif et dynamique plutôt que d’être victime d’anciens cadres obsolètes.

A partir de cette liste, priorisez puis agissez ! 

Pour les personnes ayant de la difficulté à dire non, pratiquez l’assertivité, c’est-à-dire l’affirmation sereine de soi-même (de nombreux ouvrages sont disponibles sur ce thème). Voici une méthode : 

Premièrement, il est impératif de reconnaître que vous avez le droit : 

  • De ressentir 
  • D’être différent
  • De vous exprimer
  • De ne pas être d’accord
  • De changer d’avis
  • De vous tromper 
  • De ne pas tout comprendre
  • De ne pas tout savoir 
  • De demander de l’aide 
  • De refuser quelque chose sans vous sentir coupable ou égoïste
  • De considérer que vos besoins sont aussi importants que ceux des autres.

Ensuite, il vous faudra travailler la forme pour communiquer dans un premier temps, les faits, puis dans un second, votre ressenti et en fonction de la situation une solution avec des conséquences plus justes et/ou positives si cela est nécessaire ou préférable.

Prenons l’exemple suivant : Cela fait quinze jours que vous restez 2h de plus au travail tous les soirs pour pallier les erreurs de vos collègues. Vous aimeriez que cela cesse et ne savez pas comment le dire. 

  • Il convient donc de commencer par décrire les faits : 

« Cela fait 15 jours que je reste tous les jours 2H de plus pour réparer les erreurs des autres. »

  • Puis d’exprimer vos émotions/ressentis en parlant à la première personne :

« Je trouve cela injuste d’être la seule à le faire. Je me sens fatiguée et j’ai besoin de …

  • Me reposer
  • Passer du temps avec ma famille 
  • Consacrer du temps aux activités qui me font du bien 
  • Faire autre chose ….

Ces deux étapes sont indispensables et peuvent suffire. Il est cependant possible de compléter par : 

  • La proposition de solutions : 

« Je propose que nous nous relayons chacun notre tour »

  • L’apport une solution positive pour l’équipe, les clients, la famille, le couple, la relation amicale, etc…en fonction de la situation.

« Pour alléger la charge de travail et rétablir la notion de justesse/justice au sein de l’équipe. » 

Ce modèle est infaillible, si vous vous entraînez convenablement, cela deviendra naturel. Le but est de développer le courage nécessaire pour affirmer votre bon droit.

Si certains changements sont trop difficiles, la visualisation, ci-après, est une bonne approche pour vous venir en aide dans cette démarche car elle favorise une plus grande fluidité dans les changements qui se feront aussi à partir de votre inconscient.

Laetitia Santarelli